Face aux préoccupations écologiques d'une proportion croissante de la population, le monde vitivinicole est depuis quelques années impliqué dans une évolution aussi inéluctable qu'accélérée. A cela s'ajoute une situation économique difficile, que la crise pandémique n'a pas contribué à détendre. Il importe dès lors, si on ne veut pas subir les événements, de prendre l'initiative et de se montrer proactif, de manière à décider soi-même du calendrier et des modalités, et surtout de transformer en atout ce qui pourrait être ressenti comme une contrainte.
Dans ce contexte, l’association Yvorne Grandeur Nature, sans but lucratif et politiquement neutre, a été créée fin 2019 dans le but de faire d’Yvorne, dans un délai de 5 à 6 ans, la première appellation de Suisse entièrement impliquée dans un modèle de développement durable, respectueux de la faune et de la flore et compétitif sur un marché dominé par les attentes croissantes des consommateurs dans ce domaine.
Constituée au départ de vignerons, de responsables et de propriétaires de domaines viticoles, elle s’est attaché la collaboration d’experts et d’un certain nombre de personnalités passionnées par la vigne et le vin et soucieuses de modes de production en harmonie avec l’environnement.
Le comité est constitué de :
L’association est secondée par une commission technique et une commission jeunesse (jusqu'à 30 ans).
Soucieuse de convaincre les acteurs impliqués plutôt que d'imposer des normes, Yvorne Grandeur Nature a élaboré, en collaboration avec la Haute Ecole de Changins, un catalogue de recommandations et de bonnes pratiques, parmi lesquelles les viticulteurs peuvent choisir les mieux adaptées aux spécificités de leur exploitation et les plus rapides à mettre en œuvre. Ce cahier des charges se veut évolutif, tenant compte des expériences réalisées. Les diverses mesures peuvent être regroupées selon quatre axes complémentaires:
Les efforts des viticulteurs seront soutenus et accompagnés par des mesures de formation continue avec des experts reconnus qui apporteront leur expérience et une vision globale.
La démarche est progressive, mais l'objectif est ambitieux. L'ensemble des mesures devrait être finalisées dans les quatre à cinq ans.
L'opportunité de déboucher sur une certification ou un label, voire sur une obtention du classement en grand cru reste pour l'instant ouverte, même si une telle finalité doit logiquement inspirer les efforts entrepris
Yvorne Grandeur Nature a reçu dès le début l’adhésion enthousiaste de la Fondation MAVA, dédiée à la conservation de la biodiversité au bénéfice de l’être humain et de la nature, qui a décidé de soutenir son action par le financement d’études à caractère scientifique (comme celle de Raymond Delarze), et de publications promotionnelles, par la mise à disposition d’une infrastructure et d’une plate-forme de communication bien rodée et par le financement de la coopération avec la HES Changins.
Créée en 1994 par le Dr Luc Hoffmann et présidée depuis 2010 par André Hoffmann, la Fondation MAVA a pour mission de conserver la biodiversité en finançant, mobilisant et renforçant ses partenaires et la communauté de la conservation. L'approche de la Fondation vise à promouvoir un système économique global plus durable, mettant notamment l'accent sur les financements pour la biodiversité, l'économie circulaire et le capital naturel.
Pour une deuxième phase consacrée à la mise en place d'un volet promotionnel – création d'un label Yvorne Grandeur Nature visant à mettre en valeur auprès des consommateurs les efforts entrepris par les vignerons et à renforcer l'attractivité économique du modèle –, des démarches sont d'ores et déjà engagées pour obtenir un financement du canton et de la Confédération.
Le cahier des charges élaboré par la Haute École de Changins est articulé en trois différents niveaux en fonction de leur intensité:
et en sept catégories de mesures, en fonction de leur nature:
Les mesures de base devront être mises en place en 2022. Un joker permet toutefois une certaine adaptabilité à la situation spécifique des parcelles.
En préliminaire, et pour servir de base à des actions concrètes, Yvorne Grandeur Nature a mandaté dès 2019 le Bureau d'Etudes Biologiques à Aigle pour un inventaire des valeurs naturelles du coteau d'Yvorne, sous la responsabilité de Raymond Delarze, biologiste, Dr Sc. Nat. et par ailleurs vigneron. Le rapport final de cet organisme confirme la richesse très élevée du vignoble, tant du point de vue de la flore que de la faune.
Si la biodiversité est remarquable, elle est aussi très fragile et la responsabilité de sa conservation repose pour une large part entre les mains des vignerons. Les motivations pour sauvegarder cette richesse sont multiples et non exclusives:
La conservation des richesses biologiques du vignoble s’inscrit dans la même logique de développement durable que les mesures portant sur le choix de méthodes culturales (cf. cahier des charges). Ces dernières doivent être complétées par des actions touchant aux interfaces avec les milieux voisins (torrent, prés maigres, pentes rocheuses et lisières forestières) et aux éléments structurants enclavés dans le vignoble (blocs rocheux, murs, bosquets, etc.), qui jouent un rôle essentiel pour beaucoup d’espèces et sont résumées dans le document Les Valeurs naturelles du coteau d'Yvorne.
Même si la pandémie a ralenti la communication, la consultation des milieux intéressés et le lancement des différentes mesures, le comité du projet Yvorne Grandeur Nature peut faire état mi-2022 d'avancéesréjouissantes. La démarche, dans sa globalité, a recueilli une large adhésion: ses objectifs sont perçus comme légitimes, voire impératifs, son urgence reconnue et son caractère fédérateur unanimement salué.
A ce jour, quelque 60 propriétaires ont adhéré formellement au projet et reçu le cahier des charges, qui est assorti d'une check-list permettant de valider les points qu'ils s'engagent à mettre en œuvre en 2022. Dès réception de ce document une équipe dédiée de la HES Changins se met en rapport avec eux pour clarifier certains points et les assister dans la mise en œuvre.
Avec les adhésions recueillies, ce sont dès aujourd'hui 130 des 158 hectares de l'ensemble du lieu de production qui sont inclus dans la démarche Yvorne Grandeur Nature.